Depuis toujours, les banques centrales jouent un rôle prépondérant sur l’ensemble des marchés financiers. Mais depuis les années 2000 et surtout à partir de la faillite de Lehman Brothers en 2008, ce rôle est devenu vital, à tel point que nous sommes en droit de nous poser la question suivante: les marchés financiers ne sont-ils pas devenus (presque) uniquement « une question de banque centrale » ?
Bien sûr, la réalité est plus complexe : si le modèle économique d’une société est défaillant, ses cours de Bourse vont reculer, point. Mais en termes de tendance générale, de momentum, les banques centrales font beaucoup…presque tout.
Laissons de côté le passé même s’il conforte largement notre analyse (rappelons juste à cet égard le pouvoir inimaginable d’un Alan Greenspan dans les années 1990). Concentrons-nous sur l’époque actuelle, et parlons tout d’abord « taille de bilan ». Celui de la Banque Centrale Européenne (BCE) avoisine les 4 000 milliards d’euros, contre 2000 milliards il y a 3 ans ; celui de la Réserve fédérale américaine (Fed) a dépassé les 4 000 milliards de dollars. Ces montants sont prodigieux, celui de la BCE par exemple représente près du tiers du PIB de la zone euro ! En théorie, il n’existe aucun plafond à ces montants, et il n’est pas difficile alors d’imaginer leur force de frappe.
Prenons l’exemple de la BCE. Tout d’abord son taux de refinancement est fixé à 0 % depuis un an (en clair, la liquidité est gratuite !). Par ailleurs, ces dernières années, elle a permis aux banques d’emprunter sans limite sur 3 ans au travers des LTRO(1). Cela n’ayant pas été suffisant, elle a lancé les VLTRO et les T-LTRO(2), c’est-à-dire de l’argent prêté sur des durées encore plus longues et avec des taux d’intérêt encore plus faibles. Puis, elle a finalement décidé qu’il était plus simple de distribuer l’argent, en rachetant des dettes à raison de 80 milliards d’euros par mois depuis 2015 (60 milliards depuis avril 2017). Ce n’est pas tout : parmi ces 80 milliards, il n’y a pas que des dettes publiques mais aussi des obligations émises par des entreprises privées !
Voilà à nos yeux un exemple et un argument de taille ! Parce que prêter aux banques pour qu’elles prêtent à leur tour, pourquoi pas, c’est dans l’ordre des choses…mais acheter des emprunts privés, cela revient à jouer directement sur le taux d’emprunt des entreprises (à la baisse), et in fine sur leurs frais financiers (positivement), à leur trouver facilement des investisseurs (la BCE assurant quelque part la liquidité). Bref, ces achats sont un acte monétaire, mais ils représentent également un acte financier et finalement économique. Il est d’ailleurs étonnant que la distorsion de financement introduite par la BCE sur ses achats de dettes privée, entre entreprises opérant sur des secteurs similaires, n’ait pas été source de controverses en faussant ainsi la concurrence au travers de charges financières allégées de facto pour certains groupes.
Concernant les achats de dettes d’État, inutile de démontrer le souffle économique que procure cette action mensuelle de la Banque Centrale Européenne. Une conséquence toute simple : les États paient moins cher leur dette, les contribuables peuvent, toute chose égale par ailleurs, voir leur impôt baisser.
Le rôle des banques centrales est donc primordial pour appréhender les marchés financiers, on peut même avancer qu’il ne l’a jamais été autant. Chez VEGA IM, nous accordons donc une attention toute particulière dans nos réflexions et nos échanges aux décisions des banques centrales, à leur compte-rendu (les fameuses « minutes »), à leur préparation (le fameux beige book de la FED,), mais également aux interviews, discours, petites phrases, faits et gestes de chacun de leurs membres… Aujourd’hui, nous scrutons toutes les voix qui s’expriment sur la réduction à venir de la taille de leur bilan (et donc quelles conséquences sur les marchés ?).
Achevé de rédigé le 1er juin 2017
Pierre Diot
Pierre Diot est gérant entre autre de VEGA Court Terme Dynamique et de VEGA Obligations Euro et spécialiste des marchés obligataires depuis de nombreuses années et noté AA par CityWire(3) (parmi plus de 4700 gérants de fonds en France)
(1) LTRO : Long Term Refinancing Operations, prêts accordés en décembre 2011 et février 2012 par la BCE aux banques
(2) T-LTRO, Targeted, « ciblé », et VLTRO, Very (long), sont les prêts qui succéderont aux LTRO
(3) Pour en savoir plus www.citywire.fe/funds-and-managers