
Focus sur les Millennials
Les Millennials : ConsommActeurs des années 2010/2020
La combinaison d’une nouvelle génération et de nouvelles technologies a abattu les barrières à l’entrée des sociétés de biens de grande consommation.
Par Basile Devedjian, Gérant-Analyste Actions
#VEGA Millennials
10/10/2019
Jusqu’aux années 2010, une grande entreprise de consommation se reposait sur deux fortes protections :
- Une marque établie par une publicité de masse (souvent via un media unique type TF1) et qui se renforçait à mesure que les dépenses marketing augmentaient.
- Un réseau dans les chaines de distribution (comme Carrefour) pour laquelle, là encore, la taille favorisait le placement (par exemple, une tête de gondole) et la négociation.
En mars 2012, Dollar Shave Club, créé un an plus tôt, lance une publicité sur Youtube pour un coût de 5,000 dollars. Grâce à ce clip devenu viral, la société qui vend des rasoirs par correspondance, a vu ses ventes exploser, sans l’aide d’aucun distributeur. En quatre ans, Dollar Shave Club a gagné 15% de parts de marché (en volume) … du jamais vu sur le marché du rasoir américain dominé par le duopole Gillette-Wilkinson.
En 2016, Unilever rachète Dollar Shave Club pour un milliard de dollars.
Plus proche de nous, Michel et Augustin a réussi à percer dans le secteur alimentaire sur la promesse d’aliments plus sains et d’étiquettes plus lisibles. La marque est maintenant détenue à 95% par Danone. En effet, plusieurs sondages auprès de la génération des 20-40 ans montrent un attachement beaucoup plus marqué pour des aliments sains, écologiques, parfois équitables et surtout porteurs de valeurs ou d’identités, éloignées du simple rapport qualité-prix qui avait mené les sociétés de consommation jusqu’à présent.
L’utilisation des nouvelles technologies par la génération Milléniale a favorisé l’émergence de nouvelles sociétés au détriment des acteurs présents. Ainsi, aux Etats-Unis, les grandes marques éprouvent des difficultés à s’adapter à ce nouvel environnement.
Les ventes de Kellogg n’ont progressé que de 9% sur les huit dernières années. Sur cette même période, les dépenses de publicité ont baissé d’un tiers et celles de Recherche & Développement d’environ 20%. Malgré cette baisse de coûts, la marge diminue de 16,4% à 12,6%, démontrant un manque évident de capacité de l’entreprise à relever ses prix.
Pepsi a également vu ses ventes baisser de 3% depuis cinq ans et sa marge stagner.
Enfin, Kraft a connu deux années catastrophiques depuis 2017 : son cours de bourse a été divisé par trois quand la marge perdait huit points à 19%.
Les exemples sont légions et transversaux.
Dans l’hôtellerie par exemple, les établissements n’arrivent plus à augmenter leurs prix même lorsqu’ils sont pleins. Il faut désormais que tous les hôtels de la ville affichent « complet » pour qu’ils puissent relever les prix. Cela s’explique notamment par la perte de valeur de la marque : seul 0,5% de la population qui utilise Expedia (hotels.com) effectue une recherche d’hôtel par marque.
S’il peut être difficile d’évaluer la demande de demain, surtout lorsqu’il s’agit d’adapter un outil de production, il faut s’efforcer de connaitre, au minimum, la tendance du jour. Sur ce point, certaines catégories, comme la beauté, ont des années d’avances.
L’Oréal a toujours cherché à développer une relation directe avec ses clients lui permettant de s’adapter, jour après jour, aux nouveaux goûts et aux nouvelles tendances. Les investisseurs boursiers ont bien compris ces différences et les multiples de valorisation se sont creusés. L’Oréal se traite à 30 fois les profits 2020 contre 19 fois pour Danone.
Aux Etats-Unis, Estée Lauder est valorisée 33 fois les profits contre 25 fois pour Pepsi, 16 fois pour Kellogg et 10 fois pour Kraft.
Nous pouvons chercher à trouver les vainqueurs de demain en identifiant les sociétés qui investissent le plus dans la relation directe avec le client via, par exemple, le Big Data et l’intelligence artificielle, soit la collecte et le traitement des données clients. L’Oréal et LVMH ont investi dans leur outil de gestion clientèle depuis longtemps et ont des années d’avance (ce que même certains concurrents admettent). Rémy Cointreau a modifié son business model pour axer toute ses ventes et sa distribution autour des clients qu’il connait le mieux.
Aux Etats-Unis, Salesforce qui vend le logiciel de relations client le plus populaire du marché, voit ses ventes augmenter de 25% par an alors que son chiffre d’affaires avoisine les 16 milliards de dollars. Nike développe des formules d’abonnements et des partenariats avec Apple pour suivre notre activité sportive, et demain notre santé, au plus près. Sur l’alimentation, les circuits courts se développent de plus en plus, avec par exemple, les box de produits frais livrés à domicile.
Plus transparentes, plus écologiques et plus communautaires, ces solutions ont un vrai potentiel pour les enseignes de la Grande Distribution. Pour l’instant, aucun n’a réussi à trouver l’équilibre entre profit et choix du consommateur mais peut-être est-ce de cette insuffisance qu’émergera le prochain Coca-Cola ?