- VEGA IM
- Actualités
- paroles dexperts
- La tech.... Too big to fail ? Par Benoit Peloille, Stratégiste-Gérant
Actualités

La tech.... Too big to fail ? Par Benoit Peloille, Stratégiste-Gérant
Secteur emblématique de l’économie confinée, la Tech est la grande gagnante de 2020 et a logiquement souffert en sortie de crise, pénalisée par la rotation au profit des secteurs Value en début d’année. Mais depuis trois mois, le secteur affiche la meilleure performance boursière et revient dans le peloton de tête des meilleures performances de 2021. Aujourd’hui, les valeurs technologiques renouent avec des valorisations relatives élevées qui soulèvent des questions, notamment dans un contexte de retour de l’Etat dans la sphère économique et de remontée des taux d’intérêt.
Un abus de position dominante qui peut fausser le jeu de la libre concurrence
Par con attractivité, le secteur a obtenu une telle position dominante qu’il paraît faire obstruction à la libre concurrence. Cette position serait à l’origine d’une sur-profitabilité, qui n’est en réalité donc pas totalement justifiée. En économie, cette notion revêt les termes « d’externalité négative » et c’est précisément ce que surveillent les Etats. La Federal Trade Commission (FTC), l’organisme américain qui veille au respect des règles de concurrence, a publié une étude édifiante sur ce sujet : en 2021, les entreprises de la Tech US ont dépensé plus de 200Md$ pour acquérir des sociétés de petites tailles (moins de 1Md$ en général). A elles cinq, les GAFAM ont fait l’acquisition, au cours de la décennie écoulée, de plus de 600 sociétés dont la taille est inférieure au seuil au-delà duquel elles sont contraintes de le déclarer à la FTC. Dans 39% des cas, il s’agit d’entreprises qui ont moins de cinq ans d’existence (soit à un stade très précoce de leur développement) et qui pour la plupart d’entre elles, se sont vues imposées des clauses de non-concurrence au niveau de leurs dirigeants et fondateurs. Toute émergence de concurrence a ainsi été stoppée au détriment du consommateur final mais aussi de l’innovation, et donc de l’économie dans son ensemble.
Un risque réel de régulation du secteur
La menace d’un durcissement de la règlementation est selon nous le vrai risque pour le secteur à long terme. Nous n’envisageons pas pour autant de scénario « à la chinoise ». Certes, les mesures prises en Chine ont vocation à s’attaquer aux entraves à la libre concurrence (usage des données utilisateurs / pratiques commerciales déloyales sur Internet) et apparaissent comme pertinentes. Mais elles ont été décidées brutalement et répondent à un projet politique spécifique difficilement compatible avec les pratiques d’une démocratie telle que les Etats-Unis. Pour autant, il ne faut pas perdre de vue que la FTC dispose du droit de faire annuler certaines opérations considérées comme des entraves manifestes à la concurrence et ce, même plusieurs années après. La récente plainte déposée à l’égard de Facebook pour ses acquisitions de Whatsapp et Instagram, en témoigne.
Entre valorisations élevées et risque de régulation, la Tech est-elle toujours aussi attractive ?
La valorisation élevée du secteur de la Tech est selon nous totalement justifiée. Rappelons-le, c’est le secteur qui sort renforcé de la crise avec tous les nouveaux usages qu’il a su intégrer. A contrario, une majorité de secteurs traditionnels sont à la traîne et risquent d’avoir une activité durablement affaiblie d’autant que la normalisation des économies, même si elle est en cours, s’avère plus longue que prévu.
Mais la crise Covid n’est pas la seule explication de ce succès. Fondamentalement, le secteur a changé de statut boursier. La Tech n’est plus un secteur cyclique, mais un secteur de qualité, qui offre beaucoup de visibilité sur ses profits : au cours de la décennie écoulée, la volatilité des bénéfices par actions des valeurs Tech a été divisée par deux et ce pour des raisons tangibles liées à la généralisation du software « as a service », aux abonnements et aux services associés.
Quid de l’effet domino entre géants ?
Effectivement, en cas d’incident sur une grosse entreprise du secteur, il y a un risque d’effet richesse très négatif et autoréalisateur d’une récession, comme ce fut le cas lors de l’éclatement de la bulle des TMT en 2000. Mais ce scénario semble peu probable au regard de que représente la Tech aujourd’hui dans les profits des entreprises américaines : aux Etats-Unis, les GAFAM constituent environ 20% de la capitalisation du S&P 500 mais génèrent à peu près 15% de l’EBIT total (résultat avant impôt) des entreprises de l’indice. C’est aujourd’hui le secteur qui créée le plus de valeur pour l’actionnaire, et c’est encore plus vrai post-Covid avec un ROE (rendement/fonds propres) proche de 30% (contre une moyenne de 13%/14% pour le marché).
Aujourd’hui, bien que le secteur puisse être mis à mal de façon transitoire par une possible remontée des taux d’intérêt, nous analysons cette menace à la lueur de son changement de statut boursier. Rappelons également que contrairement, au krach de mars 2000, la remontée des taux reste contenue et modérée (contre +200 points de base avant le pic de 2000).